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Les propriétés des choses
Il y a d’un côté l’immensité, le monde insaisissable, la densité des choses ; de l’autre la volonté tenace de les saisir ensemble, de les nommer, de les connaître, de les classer, de les catégoriser, de les exposer. Il en résulte une forme de tension qui peut déboucher sur de multiples questions, dont plusieurs soirées bien arrosées ne parviendraient pas à venir à bout.
En me posant la question de la manière dont nous nommons et classons le vivant et tout ce qui nous entoure, j’ai été renvoyé à l’ouvrage du franciscain Barthélémy l’Anglais, Le Livre des propriétés des choses, une entreprise de vulgarisation scientifique médiévale. Le livre traite de 19 choses en particulier et donne une large place aux oiseaux, comme la perdrix et la cigogne. Chaque sujet traité, chaque chose prise en compte semble frappée du sceau du divin. Les saints, par exemple, parlent aux arbres et aux oiseaux et ceux-ci leur répondent.
Il en va autrement d’un tableau de Frans Snyders « Le concert des oiseaux », dans laquelle l’artiste se sert d’une fable d’Esope pour pouvoir rassembler sur un même arbre une grande variété d’oiseaux exotiques et indigènes. Ici le traitement du règne animal tourne au manifeste encyclopédique et colonial. Parfait témoin de l’époque baroque, cette façon de catégoriser se rencontre encore aujourd’hui au musée de mon village voisin par exemple, où j’ai admiré une collection d’oiseaux naturalisés. Quel étrange sentiment de voir ces oiseaux, tous les uns à côté des autres, perdant toute singularité pour se ranger et se fondre dans des espèces bien nettes, rangées sur leurs arbres classificatoires ! Ceux-ci ne saisissent qu’une infime partie de ce qu’était tel ou tel oiseau dans son milieu.
Du coup, quel regard portons-nous aujourd’hui sur un arbre ou un oiseau, si nous ne le pensons plus comme d’essence divine ?
Une plus grande connaissance du fonctionnement du vivant, semble amener une approche des choses très séparative, discrète et quantitative. D’où mes nombreuses questions sur la manière dont nous qualifions le vivant. C’est peut-être ce qui me donne envie de peindre. Je me donne ainsi l’impression ou l’illusion de réajuster ce que je vois avec ce que je pense.
Créer des images me semble le plus naturel et le plus adéquat pour approcher ce qui est visible et qui se présente devant nous sans raison apparente. La peinture donne forme à toute chose avec la même matière et ainsi assigne à ces choses un lien que le langage avait rompu.